Entrer… Et sortir de psychothérapie

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Au départ, il y a toujours une limite, une difficulté, une incompréhension, un point où l’on sait maintenant qu’il faut faire quelque chose. Que nous disions avoir perdu un cadre, nos repères, nos désirs, notre vitalité, parfois même notre bonheur, nos valeurs, notre éthique… Tout simplement notre sens à la vie ; nous prenons conscience que nous ne parviendrons pas à surmonter seuls cet obstacle qui provoque en nous certaines souffrances.

Notre mal être ou notre maladie ne peuvent rester racine de notre existence, de notre identité.

Quel est le mot qui revient le plus souvent : changement.

Mais la peur du changement peut parfois être terrifiante. Elle nous met au pied du mur… dans l’obligation de choisir. Tel un papillon qui émerge de sa chrysalide, l’âme humaine est appelée à renaître des épreuves pour s’éveiller à la Vie, à l’Amour, à la Sagesse… Faire chemin arrière est toujours plus facile que d’affronter les craintes, les doutes et les illusions directement liés aux croyances qui nous limitent, nous freinent, nous ralentissent. Le désir de changement correspond à un besoin d’estime de soi et de réalisation.

Il entre souvent en opposition avec un autre besoin conçu comme fondamental : la sécurité. Cette sécurité s’impose comme une force de résistance à la prise de conscience de ce qui a été refoulé.

Et la première raison qui nous empêche de dépasser cette résistance est la non connaissance de nous‐mêmes. Alors, lorsque l’envahissement, l’étouffement sont tels que les croyances, les idées reçues ou préconçues ne sont plus systématiquement considérées comme des vérités, comme des valeurs justes, on peut entrer en thérapie. On peut s’ouvrir à l’échange… au partage… à la transmission… à l’élaboration de passerelles. On peut s’ouvrir au champ des possibles, au geste d’oser…

Regarder ne suffit plus… nous sommes condamnés à voir. Ecouter ne suffit plus… nous sommes condamnés à entendre. Toucher ne suffit plus… nous sommes condamnés à ressentir. Mais ce n’est pas une décision anodine. On y réfléchit, on demande des informations, on se renseigne sur le praticien, on pèse ce que l’on considère comme les avantages et les inconvénients de la chose. Puis un jour, on franchit la porte du thérapeute que l’on a choisi. Peu importe que ce soit parce que la vie nous insupporte telle qu’on la vit ou par souci d’évolution personnelle. Nous savons que cette décision nous engage dans le temps, qu’elle représente un effort financier et que nous n’en sortirons pas le même ou la même que celui ou celle que nous étions auparavant. Nous savons que l’action du thérapeute sera limitée à une écoute, une aide, un soutien. Sans contraintes, sa mission sera d’accompagner, d’éveiller, de relier, de connecter… pas de faire à la place de…

Le but d’une psychothérapie serait de recréer du désir et du mouvement de façon indissociable. Le désir c’est un objectif, un projet de vie. Dès lors, un chemin se crée aussitôt devant nous. Et c’est parce que ce chemin se crée que nous pouvons nous mettre en mouvement sur ce chemin, en direction de ce désir.

Sans désir, pas de chemin. Sans chemin, pas de mouvement. Sans mouvement, pas de vie. On apprend à mettre les premiers mots sur ses émotions, à les accepter, à porter une réflexion sur ces mêmes émotions, à les intégrer. Elles ne sont pas seulement un trop plein à déverser. Elles font partie de notre construction psychique, relationnelle et émotionnelle. Si rien n’est fait au moment de la survenance de l’évènement, une souffrance s’installe. Cette souffrance va ainsi lentement envahir l’individu dans sa totalité, prendre de l’épaisseur et s’exprimer de façons très différentes : sentiment de tristesse, de culpabilité, peurs, colères, perte de confiance, fatigue, pleurs, solitude, désocialisation, troubles du sommeil, de l’appétit, de la sexualité etc… Plus ces sentiments sont intenses et s’accumulent, plus le travail de réparation sera long et difficile. Repousser, étouffer ou feindre l’indifférence vis‐à‐vis de nos émotions et de nos ressentis fait de nous les proies de tous les maux. Nous devons prendre au sérieux les messages, les symboles qu’ils véhiculent, y être attentifs.

Nous pensons souvent nous défendre contre les soucis du présent, alors que nous continuons à lutter contre les fantômes du passé. Il devient nécessaire de lâcher prise… Et c’est une chose aussi simple mais aussi difficile que de respirer. Il devient nécessaire d’identifier, de décoder, de comprendre, d’interpréter les causes qui ont rendu possibles ces symptômes ou ces comportements.

Il devient nécessaire d’en percevoir les échos, les résonnances. Il devient nécessaire de décristaliser, de fluidifier, d’évaporer les émotions au delà des résistances. En retrouvant leur source, leur origine, la personne devient actrice de son changement. Le courage de se dépasser par l’action indispensable, le geste de faire, d’agir, s’avère et s’impose au-delà des simples pensées philosophiques, des lectures d’évolution humaine, des belles paroles. C’est l’unique porte à pousser pour accéder à la guérison. La psychothérapie est l’occasion de braquer les projecteurs sur toutes les facettes de sa vie. C’est un temps de révélations, de reconnaissance, de mise à nu, un temps d’ouverture sans tabous. Un tel voyage dans l’intimité, dans la profondeur de l’Être ne peut nous laisser dans l’état pré-thérapie.

Tous ces mots qui viennent et qui reviennent permettent d’éclaircir le chemin qu’il nous reste à parcourir, et de le rendre plus serein. Une psychothérapie, c’est notre arrangement avec la vie. C’est récupérer notre autonomie, notre liberté, notre indépendance. C’est se trouver le plus à l’aise possible avec notre harnachement. On ne fera pas tout disparaître de nos douleurs, mais on saura faire en sorte qu’elles nous fassent moins mal. On ne s’assoit pas sur son histoire.

Ce serait un peu comme si on était assis sur du vide. L’histoire, c’est le socle primaire sur lequel tout s’édifie ; le présent n’étant que l’épaisseur du passé. Celui qui avance sans se retourner, avance en aveugle.

Et puis un jour, reste à sortir de sa thérapie. Cette phase est encore plus délicate que celle qui a consisté à y entrer. C’est de cette séparation d’avec le thérapeute et la thérapie que tout va dépendre. Y trouver l’achèvement est primordial. Et si la séparation d’avec le thérapeute intervient effectivement lors de la dernière séance, cette séparation a déjà commencé bien avant… au coeur de la thérapie. Ce sont ces moments où la personne doit faire le deuil de sa vie antérieure, celle qu’elle a parfois côtoyée durant tant d’années. Cette peur du passage au changement, cette angoisse de la nouveauté. Confronté à ce passage, le choix s’impose de passer ou de s’arrêter. Ce n’est pas toujours un choix conscient et réfléchi. Il peut souvent être inconscient.

Au seuil de cette traversée, la personne se trouve souvent de nombreuses raisons de caler. Elle peut dire qu’elle a maintenant tout dit. C’est le silence qui s’installe… Et c’est à l’orée de ce silence que tout peut vraiment réellement commencer. Ne plus rien avoir à dire est une illusion. Les paroles creuses dites… Il reste à dévoiler les paroles pleines. Et ce sont ces paroles pleines qui emmèneront au rythme de chacun, dans son unicité et sa singularité, vers le franchissement de l’obstacle d’évolution… vers une nouvelle respiration. Et puis, il est essentiel d’être vigilant et clairvoyant sur cette autre manière de buter contre l’obstacle. Par résistance et peur du changement, la personne peut se dire frustrée, déçue des symptômes qui restent inchangés… alors qu’elle ressent les premiers effets bénéfiques du travail déjà accompli. C’est comme si elle trouvait une utilité, un avantage secondaire à rester dans la maladie, à maintenir la blessure ouverte. Et bien sûr, elle s’en défend. Elle peut invoquer qu’elle a des problèmes financiers, qu’elle ne peut venir aussi souvent qu’elle le souhaiterait, qu’elle manque de temps. Elle peut même ne pas se présenter au rendez‐vous d’une séance, disparaître sans explication, fuir pour éviter d’avoir à affronter le regard du thérapeute. Elle est confrontée à l’obstacle qui n’est rien d’autre que l’impression de s’approcher de ce moment d’angoisse, d’être confrontée à ce changement et aux actions qui s’imposent pour le mettre en œuvre. Cela peut devenir insupportable, parfois même sidérer la Conscience. Alors, l’errance thérapeutique peut s’installer, toujours en quête de la thérapie miracle, qui sera refoulée à l’infini. Il est alors du devoir du thérapeute d’informer, de prévenir de ce moment difficile à franchir… Un moment difficile mais toujours libérateur.

Luc KAUFMANN
Hypnothérapeute
Missions humanitaires santé
Grenoble

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