L’Ayur Veda en Occident

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Bonjour Docteur. On entend de plus en plus souvent parler d’Ayur Veda et en particulier de massages ayurvédiques. Vous vous intéressez à l’Ayur Veda depuis plusieurs années. Pouvez-vous nous dire ce qu’est l’Ayur Veda ?
En tant que démarche médicale de Santé, l’Ayur Veda appartient à la grande famille des médecines naturelles traditionnelles. C’est la tradition médicale de l’Inde. Dans nos pays aussi il y a eu une tradition de médecines naturelles, mais celle-ci s’est presque complètement perdue à la suite des vicissitudes de l’histoire. En Inde également, de nombreux aspects particuliers de l’Ayur Veda se sont perdus. Mais on peut dire que parmi les médecines traditionnelles, c’est sans doute la mieux conservée. Son origine est bien antérieure à la médecine chinoise, qui lui a fait beaucoup d’emprunts, de même que la médecine d’Hippocrate. Bien plus qu’un système médical dirigé vers la maladie, c’est une science complète de la Santé dans son sens global incluant le corps humain, ainsi que toutes les autres dimensions de l’homme, et les relations de l’homme avec son environnement. En ce sens, cette science est très actuelle, car c’est un système ouvert qui ne dépend pas des circonstances de temps ou de lieu, et qui aborde l’être humain dans ce qu’il a de plus général et de permanent. Ayur signifie Vie, et Véda signifie Connaissance. C’est littéralement la science de la Vie. Au-delà des maladies, l’Ayur Veda nous renseigne sur les conditions et règles propices à la vie : la nôtre et celle de l’environnement. L’Ayur Veda est un instrument pour soigner les maladies, mais c’est aussi une véritable science préventive des maladies.

Vaste programme, et passionnant. Mais est-ce que c’est adapté à notre mode de vie occidental ?
Absolument. Facilement et sans danger. Je remarque d’ailleurs que l’Orient s’est très bien adapté à notre mode de vie occidental. Ce faisant, il a perdu une bonne part de sa sagesse millénaire. On reconnait de plus en plus que notre mode de vie occidental n’est pas parfait, en particulier dans le domaine de la santé. On a étudié de nombreuses populations autochtones qui vivaient sans connaître nos maladies dites de civilisation telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires, les cancers, les maladies auto-immunes, et qui ont connu le même taux de maladie que nous après une dizaine d’années de vie à notre image. Notre mode de vie n’est donc pas un modèle universel de santé. A partir du moment où nous acceptons de réviser notre mode de vie, l’alternative de l’Ayur Veda est une très bonne option. Il n’est pas question de manger des plantes de l’Inde, ni de chanter des hymnes indiens. Sur le plan de l’alimentation ce n’est pas plus compliqué que de suivre le régime dit Crétois, qui revient à la mode. Ce qui est intéressant c’est que l’Ayur Veda peut dire pourquoi le régime Crétois est un bon régime alimentaire. De plus, une des particularités de l’Ayur Veda est que les recommandations sont adaptées à la nature de la personne, à son âge, ainsi qu’aux moments de la journée et aux saisons, etc. L’Ayur Veda ne donne pas de règles absolues, mais c’est un guide de comportement équilibré à chaque instant de la vie. Voyez-vous, c’est comme un bon appareil GPS : il vous ramène à votre objectif le plus rapidement possible quand vous vous êtes égaré.

Quel est le rôle des massages ayurvédiques dans ce système qui paraît très vaste ?
Il y a beaucoup de personnes qui pratiquent le massage ayurvédique. C’est une bonne chose. Nous sommes très stressés. Le massage est un bon moyen de se détendre. Quand l’esprit est détendu, il est plus ouvert, plus à l’écoute de soi et des autres, les relations sont plus riches et pacifiées. Le massage se fait avec des huiles aromatisées. L’huile a un effet de détente. On peut encore moduler selon les huiles et les parfums. Le sens du massage sur le corps est codifié lui aussi (il s’agit peut-être plutôt de « ainsi » au lieu de « aussi » ?) afin de drainer les toxines de fatigue, ou en fonction d’autres objectifs. Dans toutes les traditions, le massage est tenu en grande estime. Dans l’Inde antique et même dans toute l’antiquité, il était d’usage d’offrir à ses invités à leur arrivée de voyage, avant toute chose, un bain, et des massages. Le massage ayurvédique est une bonne introduction à l’Ayur Veda, comme le Yoga en occident est une bonne introduction à la sagesse du Yoga.

Comment l’Ayur Veda explique-t-il la maladie ? Et qu’est-ce que la santé selon l’Ayur Veda ?
Dans l’Ayur Veda il apparaît que la santé est l’état naturel et normal de l’être humain. C’est la maladie qui est une déviation. Nous ne nous rendons pas bien compte que nous en sommes venus à un tel degré de fatalité et de dépendance, que nous trouvons normal d’être malade dans certaines circonstances, en particulier en prenant de l’âge. On attrape un virus, la « gastro », et on a des rhumatismes comme des vieux. Et nous demandons à nos médecins de nous soulager de ces maux. La médecine moderne dispose d’un arsenal sophistiqué de moyens pour cela, et tant mieux. Mais ces moyens ont souvent des effets parallèles négatifs et induisent d’autres maladies. On accepte encore ces effets comme inévitables. Mais peu de personnes osent envisager de guérir, ce que par ailleurs les médecins ne leur proposent pas. A partir de la cinquantaine on commence à se faire suivre médicalement, c’est-à-dire à soigner son début d’hypertension artérielle, de diabète, de cholestérol, de ménopause, de prostate, de baisse de mémoire, de douleurs. On va vivre avec sa maladie, et ses traitements, parfois longtemps. Dans les temps anciens où s’est constitué l’Ayur Veda, la notion de croissance économique n’était pas le crédo des érudits et des sages. Et on avait l’innocence de dire que la maladie est évitable. Elle l’est toujours, bien entendu. Dans l’Ayur Veda, la maladie est due à une erreur.

Vous voulez-dire que l’Ayur Veda peut expliquer la cause des maladies ?
Oui. Pas de la même manière que nous le faisons avec notre science moderne, mais d’une manière toute aussi rigoureuse et logique. Et avec des instruments directement opérationnels. Je ne dis pas que l’Ayur Veda va soigner toutes les maladies. Chacun a sa vie personnelle. Il y a des personnes qui vont guérir, d’autres qui ne guériront pas totalement, mais toutes pourront avancer dans le sens d’une meilleure santé. Chacun est libre. L’Ayur Veda donne l’information ; c’est la carte routière. A chacun de se mettre en route et de faire son chemin. Un aspect important de l’Ayur Veda est que la cause profonde des maladies vient d’une erreur de la pensée. L’Ayur Veda étant la science de la vie, toute pensée qui ne vient pas servir la vie dans sa globalité, aura des conséquences sur la santé. En ce sens, l’Ayur Veda est confirmé par les recherches modernes dans les domaines de la psychosomatique et même de l’écologie. Dans l’Ayur Veda la santé comprend le corps, l’esprit, l’environnement, et leurs interrelations. Prenons le cas d’une personne qui a un excès de feu ; si elle a l’habitude de manger des épices fortes elle aggravera le feu et on ne sera pas étonné qu’elle ait par exemple des éruptions, des démangeaisons, des brûlures digestives, des poussées d’irritabilité, des relations conflictuelles. Si elle veut se sentir mieux il sera préférable pour elle, dans l’immédiat, par exemple de manger des aliments rafraîchissants, de chercher les ambiances de fraîcheur et la compagnie de personnes préférant éviter les conflits, et éventuellement aussi de se faire masser avec des huiles pacifiantes. Mais elle peut aussi voir ce qu’elle doit faire pour équilibrer son feu intérieur. Elle doit identifier l’erreur dans sa pensée, afin de pouvoir la corriger par la suite. L’Ayur Veda ne donne pas de méthode pour corriger l’erreur de la pensée. Ceci revient à d’autres branches du Véda. L’Ayur Veda nous donne le maximum de moyens pour corriger les conséquences physiologiques de ces erreurs. C’est là son domaine. Et c’est là sa connexion avec les autres dimensions des sciences de l’être humain.

Vous voulez-dire que la cause des maladies est dans l’esprit ? Qu’elle est de nature spirituelle ?
Oui. On peut dire cela. L’Ayur Veda le dit clairement. Et cela rejoint les démarches modernes des psychothérapies. En Inde, la connexion de l’Ayur Veda avec la sagesse du Yoga est étroite. Car le Yoga est une connaissance des moyens pour rétablir la paix et l’harmonie entre les différents constituants de l’être humain. Les praticiens de l’Ayur Veda ont en général également introduit naturellement le Yoga dans leur vie. Et à l’inverse on peut dire que les grands Yogis qui ont réalisé l’union corps esprit sont, aussi, en bonne santé. Mais on peut également pratiquer l’Ayur Veda avec n’importe quelle autre démarche spirituelle personnelle ; l’important est la connexion avec ce qui est au coeur de chacun.

Vous voulez dire que le praticien d’Ayur Veda est aussi un sage ?
Oui, à condition de s’entendre sur le mot. Le mot « sage » a quelque chose de suspect ; de nos jours, il est mal vu d’être un sage. Mais la sagesse ne consiste pas à se conformer à une quelconque doctrine rigoureuse et sclérosante. La sagesse c’est servir la Vie, être en harmonie avec la Vie, ne pas entraver le processus de la Vie, agir de manière harmonieuse pour soi et les autres. On ne devrait pas accepter de raisonner comme si la vie était une lutte. Il n’y a pas lieu de se battre contre les maladies, ni contre les erreurs, ni contre personne. Il suffit de se rappeler que les forces naturelles de la vie tendent vers la santé et l’harmonie, et que la seule chose à faire est de mettre son attention à dépister les erreurs qui entravent le processus de vie, et de les éviter. La vie existe déjà. On n’aura pas un supplément de vie avec toujours plus d’appareillages sophistiqués et de chimie toxique. Au contraire ceci nous éloigne de la véritable santé. L’Ayur Veda n’utilise comme instrument que nos dix doigts et nos cinq sens. Et cela suffit.

Comment en savoir plus sur la pratique de l’Ayur Veda ?
J’ai étudié l’Ayur Veda avec des praticiens indiens de grande qualité. Certains avaient développé la prise du pouls de manière telle qu’ils pouvaient déterminer quel organe était malade, depuis quand, dans quel état il était actuellement, ou savoir que la personne avait été opérée et à quel âge. Leur connaissance des remèdes également était telle qu’ils savaient directement par le pouls quel remède donner. J’ai vu des résultats étonnants. Et aussi ce qui ressemblait à des échecs, comme je le disais tout à l’heure. Il faut reconnaître que cet art exige un entraînement long et rigoureux avec des enseignants de qualité ; or ils sont rares et bien loin pour nous. Pour acquérir les bases il est bon de lire les nombreux livres qui existent sur la question ; mais c’est comme pour toute chose, rien ne remplace le travail de terrain avec quelqu’un qui nous guide. Ces experts que j’ai fréquentés me sont apparus comme de grands maîtres, et je pense qu’il nous faut avoir l’humilité d’apprendre ce qu’ils savent, et qu’ils acceptent de transmettre, avant que cette connaissance ne disparaisse.

Merci, docteur, de nous faire partager votre enthousiasme et votre regard sur l’Ayur Veda.

Jean Estrangin, médecin Homéopathe à Grenoble
Interviewer : Renée Findris

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